L'assassin de papa by Westlake Donald E

L'assassin de papa by Westlake Donald E

Auteur:Westlake, Donald E. [Westlake, Donald E.]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gallimard / Carré noir
Publié: 1981-07-21T22:00:00+00:00


CHAPITRE XVII

Debout à côté de la voiture, je fumai un moment en regardant le lac, d’un bleu intense, entre les arbres et les bungalows. Derrière le lac, la forêt commençait à se parer des chaudes couleurs de l’automne, tandis que les montagnes du Vermont éclataient encore de fraîcheur estivale.

Je n’osais pas me retourner vers Kapp ; je ne savais quelle attitude prendre devant lui. Si j’avais été toute ma vie un orphelin, ç’aurait été différent, mais j’avais déjà un père et Kapp, même s’il était mon vrai père, n’en était pas moins un étranger pour moi.

Au bout d’un moment, Bill réapparut entre les bungalows. Il s’arrêta un moment, sans regarder de notre côté, pour s’allumer une cigarette. Il avait des gestes maladroits, comme si ses doigts avaient brusquement enflé. Il s’approcha ensuite lentement, pesamment, s’installa derrière le volant sans un mot et mit le moteur en marche.

Je ne savais où m’asseoir. Rouler à l’avant me donnait la nausée, mais je ne voulais pas laisser croire à Bill que nous faisions déjà bande à part, Kapp et moi.

Kapp, comprenant mon hésitation, me dit en souriant :

— Mets-toi donc devant avec ton frangin. Moi, je voudrais m’étendre. Je suis vanné.

Je m’assis à côté de Bill et claquai la portière. Bill leva les yeux et regarda droit devant lui.

— On rentre à l’hôtel ? marmonna-t-il.

— Je crois que c’est le mieux.

Nous revînmes à Plattsburg. Dans le hall de l’hôtel, Kapp dit qu’il boirait bien un verre. Bill monta directement dans notre chambre sans nous accorder un regard. J’allai au bar avec Kapp.

— Ça fait quinze ans que je n’ai pas bu d’alcool, me dit Kapp. Quelles sont les meilleures marques de scotch, actuellement ?

— Je n’ai pas les moyens de m’offrir du scotch de marque, fis-je en haussant les épaules.

Le garçon se pencha vers nous.

— Ces messieurs veulent-ils du « House of Lords » ? murmura-t-il.

— Joli nom ! remarqua Kapp. Ça sonne bien. Va pour la chambre des Lords…

Le garçon s’éloigna.

— Vous avez passé plus de vingt ans en taule, lui dis-je ; est-ce que par hasard on vous aurait laissé boire de l’alcool pendant les cinq premières années ?

Il cligna de l’œil.

— Normalement, ils auraient dû m’envoyer à Sing-Sing, petit. Heureusement, j’avais des relations ! Et il fut un temps, à Dannemora, où on était un peu plus coulant. Ça se passait en famille, ce n’était pas comme dans les prisons fédérales… (Il fit une petite grimace.) Mais on a changé tout ça, conclut-il.

Le garçon nous apporta nos consommations et repartit.

Kapp prit son verre, goûta le scotch et s’étrangla en faisant une horrible grimace.

— J’ai perdu l’habitude. Après si longtemps, c’est comme si on repartait de zéro. Tu te souviens comme ça avait mauvais goût, la première fois que tu en as bu ?

— Vous voulez l’allonger avec quelque chose ?

— Quoi ? Ça se fait maintenant ces mélanges ? Très peu pour moi, petit ! Ce n’est pas mon genre.

D’une seule main, il prit une nouvelle cigarette dans son paquet. Sa main gauche était affreuse à voir.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.